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Dies Festus La fête au Moyen Age

Dies Festus
Le propos de cet article est de vous faire découvrir les multiples facettes des réjouissances médiévales. Elles sont décrites séparément mais rien n'interdit que plusieurs d'entre elles aient lieu en même temps et au même endroit (exemple classique: un tournoi et un banquet). A la fin de chaque mini rubrique, une note ludique vous donnera une indication de jeu visant à intégrer cet élément dans vos campagnes. Que ce soit dans des jeux " historiques" ou médiéval-fantastique, on a toujours besoin d'agrémenter ses parties d'interludes pleins de vie (rencontres, repos, débuts de nouvelles aventures, catastrophes en tout genre...)

La fête en général

Il faut bien comprendre qu'au Moyen Age, si les « vacances » telles que nous les connaissons n'existent pas, le calendrier liturgique offre plus de quatre-vingt-dix jours de fête religieuse (plus fréquentes en hiver et au printemps), sans parler des occasions de relâche comme l'ouverture d'une foire, la fin des moissons, les vendanges, un mariage chez des particuliers, etc. La fête est donc avant tout sacrée, mais c'est aussi un moment de détente, une soupape de décompression, un rassemblement massif générateur d'exaltation, un jour en marge des autres où naît une sorte d'immense fraternité. Et si elle a pour objectif de sacraliser le temps qui lui est imparti, elle est toujours la porte ouverte à tous les excès et au renversement autorisé de l'ordre établi (nous le verrons plus particulièrement avec la fête des Fous). De plus, il faut garder à l'esprit qu'au Moyen Age, des éléments très divers cohabitent; qu'ils soient archaïques, païens, gréco-latins, populaires ou chrétiens, aucun ne manque à l'appel. Ainsi, on peut citer le cas de la Bretagne, bastion du catholicisme, où se côtoient des croyances populaires primitives, un polythéisme gallo-romain, un catholicisme hérité du Bas-Empire et un christianisme spécifiquement celtique ! Dans un souci d'intégration et d'efficacité, l'Église a copié son calendrier liturgique sur d'anciens calendriers païens avec quasiment la même suite de célébrations qui ont toujours rythmé la vie des hommes, de la naissance à la mort. C'est pour la même raison qu'elle a fait construire nombre de ses lieux saints sur d'anciens lieux de culte païens. La fête devient donc le creuset complexe de ces associations tacites où détail de plus, les marchands du temple ne sont pas en reste. En effet, il n'y a pas de fête sans quelques étals d'artisans proposant leur production... Pour résumer et frapper les imaginations, on pourrait dire qu'au Moyen Age le 25 décembre n'est plus, comme au temps de Rome, la fête du dieu Bacchus, mais on s'écrie encore, en sortant de la messe, « Aguilanneu ! » comme le faisaient les druides celtes.

Note ludique :
Pendant la fête, les langues se délient autour d'un verre ou pendant une partie de dés... les gens se laissent aller. Vos personnages pourront ainsi découvrir les étranges pratiques religieuses de ce village en liesse et secourir peut-être quelques innocents, vedettes involontaires de sacrifices innommables.

Les tournois

tournoiIls ne sont pas à proprement parler une fête mais ils sont toujours organisés à l'occasion de l'une d'elles (que ce soit pour un mariage, un, adoubement) et sont le prélude de festivités qui durent plusieurs jours. Joute à cheval, combat à l'épée chez les nobles; joute aquatique, lancer de couteau, lutte à mains nues ou au bâton chez les gens du peuple; c'est le moment idéal pour se montrer le plus fort. Que ce soit pour faire honneur à une Dame et à sa couleur que L'on porte, pour la petite Marie que l'on voudrait bien épater, ou encore pour remporter les prix de valeur réservés aux plus courageux (il faut bien manger), la hargne de gagner est impressionnante. Violence et passion sont au rendez-vous de ces activités. On y retrouve toute l'essence de la fête : l'instant initiatique où les plus solides s'affirment et les outsiders se découvrent.

Note ludique :
Vos personnages pourront y montrer, à qui de droit, ce dont ils sont capables et ainsi être les candidats choisis pour de nouvelles aventures. Mais, pour changer un peu, l'un d'eux pourra également en profiter pour essuyer une dette d'honneur ou se lancer dans une belle, mais très difficile (bien sûr) histoire d'amour courtois.

Les banquets

banquet

Le banquet est toujours au centre de la fête quelle qu'elle soit. Banquet de nobles, ou de manants (dans une bien moindre mesure, bien sûr), c'est le moment de sortir les plus belles pièces de viandes, les meilleurs poissons, les fruits les plus variés. En guise d'assiettes on mange sur des tranchoirs, sortes de pains très plats qui, coupés en deux, servent à déposer les viandes et la sauce. A la fin du repas, ils sont donnés aux pauvres ou au bétail. Ce n'est qu'au XIIè siècle que les châtelains découvrent l'usage de la fourchette à deux dents. les troubadours (du sud de la France, le pays d'Oc) ou les ménestrels (du nord, le pays d'Oïl) chantent et content, font mille pirouettes et extravagances pour le plaisir de leurs hôtes. Chez les manants, les musiciens sont rarement présents mais les chansons et les danses ne manquent pas ! Les chants graves des hommes et les voix aiguës des femmes entonnent des mélodies populaires et l'on danse à en perdre le souffle, en marquant la cadence en claquant des mains et en frappant le sol avec ses pieds.

Note ludique :
Le banquet (surtout chez les nobles) réunit en général tout ce qui « compte » dans la région. Pour une révélation, un scandale, une entrée remarquée (à vous de voir dans quel sens), on ne fait pas beaucoup mieux. C'est aussi un moment de grande magnanimité pour le seigneur local qui, le ventre bien rempli et les oreilles charmées par les chants, peut avoir des élans de bonté.

La fête des fous et le carnaval

carnavalAh, la très intéressante coutume ! L'illustration même du principe selon lequel la fête est un renversement « solennel » des principes établis. Mais aussi celle du mélange des éléments culturels et religieux dont nous avons parlé précédemment. Le moinillon se déguise en évêque, le pauvre en roi, le bourgeois en brigand. On investit l'église qui devient lieu de réjouissances bruyantes et souvent d'assez mauvais goût, les rues des villes retentissent de chants plus ou moins harmonieux et de danses sauvages. Ceux qui n'ont pas choisi de revêtir le costume qui ne sera jamais celui de leur vie de tous les jours, se déguisent en animaux, souvent fantastiques. Il faut faire du bruit par tous les moyens, bien boire et bien manger car demain on entre dans la difficile période de Carême. Alors avant les privations, c'est l'orgie. On a aussi fabriqué une immense représentation grotesque en paille d'un homme, qui sera promené à travers toute la ville pendant la durée de la fête. Les habitants se défouleront sur lui, le rendront responsable de tous les maux de l'année. A la fin de la fête, il sera brûlé dans un grand feu de joie : les malheurs seront exorcisés, l'avenir ne pourra être que meilleur. L'Église ferme les yeux, mais à partir de la fin du XIIIè siècle, elle commence à sévir et à interdire ce type de pratiques, trop «manifestement » païennes.

Note ludique :
Pendant la fête des Fous ou le carnaval, vous pouvez plonger vos personnages dans un monde baroque et hors du temps où tout est possible. Maintenant imaginez que quelqu'un ait décidé de se débarrasser d'un témoin compromettant en l'enlevant et en le glissant, drogué, dans le mannequin du carnaval quelques heures avant que celui-cl ne soit brûlé. Vos personnages devront tout faire pour le récupérer, s'exposant alors à la vindicte populaire décuplée et rendue incontrôlable par cette fête échevelée.

Le charivari

charivariLe charivari est un élément constitutif de beaucoup de fêtes et de « l'animation » de la vie au Moyen Age. C'est un élément dynamique et fédérateur comme peut l'être la fête. Les jeunes garçons des villages se regroupent en société de « bacheliers » et sont en charge d'organiser des petites animations au sein des villages. Ce sont eux aussi qui se chargent d'accueillir les jeunes .femmes extérieures à la communauté et qui viennent épouser l'un des leurs. Bravades (exercices de force ou d'adresse), chansons, mini carnaval, sont alors organisés en l'honneur de la nouvelle venue. Mais ce sont également des censeurs qui voient d'un mauvais oeil les liaisons adultères et les veufs qui se remarient. Sous les fenêtres de ces gens, ils font du charivari, c'est-à-dire beaucoup de bruit, et finissent toujours par enlever l'homme fautif, l'enduire de glu et de plumes (tiens, tiens...) pour lui faire faire le tour du village. Cette pratique bien cruelle prend alors des airs de fête, comme un rite de cohésion de la cellule villageoise. Dans les grandes villes (comme Paris au XIIè siècle), on trouve des étudiants, qui portent tonsure et sont donc clercs, mais qui ne vivent que pour la fête et l'excès. Si vous les rencontrez dans un cabaret, vous pouvez être sûr de ne pas passer une soirée tranquille. Leur mot d'ordre est triple : du vin, des filles, des dés à jouer, et ils ne prétendent respecter aucune loi si ce n'est la leur qui est « Faire la foire en tous lieux, en tous temps ».

Note ludique :
Les « bacheliers » et leurs pratiques pourront représenter une opposition de taille face à vos personnages, ou une aide irremplaçable s'ils parviennent à l'obtenir (tâche ardue). Ce sont des garçons sûrs de leur fait, irrespectueux et violents. En ville, les jeunes étudiants seront moins difficiles de contact mais totalement imprévisibles. Ils seront parfaits pour égayer en toute saison les rues et les cabarets de vos parties !

Fêtes agraires et fêtes de confréries

Le Moyen Age est resté longtemps détaché du décompte précis du temps comme nous pouvons le connaître. Ce n'est pas le temps abstrait des horloges qui rythme la vie, mais le temps des nuits et des jours qui grandissent, des travaux qui reviennent et des fêtes religieuses annoncées par l'abbé. L'homme a l'âge de ses capacités (l'âge de se marier, de travailler, de mourir...) et l'année s'écoule, ponctuée pour les manants par les réalités agraires. Les semailles, les moissons, les vendanges, les foins... sont autant de raisons, une fois le travail terminé, de se réunir au village, ou même entre villages, pour faire la fête. Moments de détente et de ripailles où l'on se repose du travail exténuant des champs. A partir du XIIè siècle, s'épanouissent dans les villes les confréries, associations religieuses par métiers, constituées de bourgeois désireux de se réunir dans une communauté d'esprit et d'entraide. Ces confréries organisent également des processions vers le lieu sacré où réside leur saint protecteur, et c'est toujours l'occasion de montrer leur générosité en organisant des réjouissances auxquelles sont conviés tous les habitants de la ville. Elles sont également à l'origine des « mystères », représentations théâtrales données sur le parvis de l'église et qui mettent en scène de façon didactique les grands moments des Saintes écritures.

Note ludique :
Un confrère a beaucoup insisté pour que soit organisée l'une de ces fêtes. C'est un traître qui veut profiter de l'occasion pour passer des informations confidentielles aux ennemis héréditaires de la ville. Espionnage au Moyen Age sur fond de fête, vos personnages devront choisir entre poursuivre l'affreux ou se régaler de ces mets délicieux dont ils ont fini par oublier le goût...

Les grands moments de la royauté

Entrée dans une ville, mariage, naissance, obsèques, victoire militaire et autre événements d'origine royale sont les plus grandes occasions de fête qu'il soit donné de connaître au Moyen Age. Ainsi l'entrée d'un prince dans une ville donne lieu à une grande cérémonie connue sous le nom de la « jonchée ». Les rues sont parées de banderoles, les bourgeois exposent à leurs fenêtres des étoffes rares et de la vaisselle précieuse. Les habitants de la ville, massés tout le long du parcours royal, lancent sur la chaussée des fleurs et des joncs. La famille royale se doit de toujours faire grand et beau. Ces fêtes sont la vitrine à travers laquelle observent, sans indulgence, les habitants du royaume mais aussi les royaumes voisins. Il faut impressionner pour être respecté, et la générosité est une vertu princière. La nourriture, les boissons, les réjouissances de toutes sortes ne doivent en aucun cas manquer, et chaque fête doit surpasser la précédente. C'est également souvent le moment privilégié d'une trêve accordée à tous. Note ludique : Le roi est menacé. On sait de source sûre que le baptême de son premier fils sera le moment choisi par ses adversaires pour l'éliminer lui et peut-être même son héritier. Au milieu de la tourmente colorée de la fête, faire échouer le complot ne sera pas chose facile.

Les processions et les pénitences

processionChaque année, villes et villages célèbrent en procession leur saint protecteur. C'est l'occasion de faire sortir les reliques et les objets sacrés des lieux consacrés, pour leur faire traverser toute la ville qui se trouve ainsi « sacralisée » pour une année durant. Après le recueillement des habitants qui se prosternent devant les objets très saints et les malades qui viennent implorer l'aide de Dieu, on fait place à une fête plus profane, où ripailles et danses célèbrent à leur manière la prospérité promise par le saint protecteur. Mais l'on peut également mettre dans la famille des fêtes les processions des jours de malheur et les pénitences publiques des flagellants. Car la fête n'est pas seulement un moment de réjouissance, elle peut être triste tout en gardant sa définition propre de rassemblement massif, générateur d'exaltation, Pendant les périodes d'épidémie ou de famine, des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieillards plus ou moins valides, déambulent pour implorer le pardon de Dieu ; ou des hommes plus extrémistes arpentent les rues en se donnant de violents coups de fouet pour racheter les fautes de leurs contemporains. Se dégage alors une communion d'âme, une émotion, qui vaut celle des fêtes gaies. Et, comme toujours dans ces moments de grande désespérance, à quelques pâtés de maisons de là, d'autres choisissent de dépenser leurs derniers sous pour organiser de vastes orgies, comptant ne pas passer sans plaisir les derniers moments qui leur restent à vivre. En fait, laquelle de ces deux f^tes est la plus triste ? ... Note ludique : Dans la ville où vos personnages ont trouvé le repos, une terrible sécheresse a rendu la vie très difficile. Les flagellants appellent dans leurs rangs toutes les bonnes volontés pour contrer la colère de Dieu. Ce sont en fait d'infâmes sorciers sanguinaires qui sacrifient les nouveaux arrivants. Vos personnages auront-ils le coeur de laisser cet affreux commerce continuer ? Pourtant les flagellants sont respectés, protégés et tout particulièrement par le seigneur local ...

Les fêtes privées

Bien sûr, quand un particulier se marie, baptise un enfant ou enterre un parent, il n'organise pas une fête pour tout le village. Il y a donc, en plus de toutes les réjouissances massives, celles qui réunissent la famille, voire les amis les plus proches. Excellente occasion pour que l'un de vos personnages retrouve le cousin haï qui est devenu le lieutenant de l'infâme percepteur des impôts qui s'est marié avec son ancienne petite amie qui depuis est très malheureuse ... En un mot, une excellente occasion pour faire une belle histoire de famille pleine de rebondissements, si vous êtes fatigués des quêtes héroïques et des chasses au dragon en tout genre.

Copyright

Cette aide de jeu a été écrite par Nathalie Achard, pour un vieux (très vieux ...) Casus Belli : le N°73 de Janvier 1993.

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